Futur hypothétique de l'aviation

avion à voilures rhomboïdales à l'étude chez Lockheed-Martin
Les voilures rhomboïdales, alternative aux ailes volantes       Doc. Lockheed-Martin

Projet Aerospatiale-Matra

  On sait depuis quelques années que les configurations classiques fuselage/voilure présentent des limites structurales au-delà d'une certaine taille correspondant à l' A3XX de 800 places. Au-delà, la taille des fuselages entraîne des effets de souplesse gênants et des surcharges pondérales. La vieille idée des ailes volantes appliquée pour les bombardiers militaires est donc envisagée pour les avions de ligne car sa forme permet une rigidité supérieure et une idéale répartition de la masse sur la voilure. L'autre avantage des ailes volantes, l'optimisation aérodynamique, ne fait pas en revanche l'unanimité, comme nous le verrons. Chez Aerospatiale Matra, cela fait trois ans que l'on étudie l'aile volante du futur. Dominique Gentili, le directeur des avant- projets, précise que l'échéance visée est 2020. La date à laquelle le marché du trans- port aérien pourrait avoir besoin d'un très gros-porteur, au-delà des 1.000 places si la croissance du trnfic aérien se maintient à 5 % par an ces prochaines années. Pour l'instant, ses ingénieurs n'ont pas vraiment gelé de configurations. Toutjuste imaginent-ils un avion capable de voler en haut subsonique sur 12.000 km et transportant un millier de passagers. La configuration généralement présentée ne possède pas d'empennages verticaux mais des dérives et des grandes ailettes de bouts de voilure. L'envergure de l'appareil avoisinerait les 100 m. L'objet des recherches de l'avionneurfran- çais se situe en fait ailleurs: Dominique Gentili explique que la première étape consiste à identifier les points durs qui sont surtout opérationnels plutôt que technologiques. Les deux points les plus délicats suspectés par Aerospatiale Matra concernent l'évacuation des passagers et la bonne insertion de l'aile volante dans l'aéroport. Les avions actuels doivent pouvoir être évacués en 90 secondes. Cette performance sera difficile à tenir pour les ailes volantes à cause du nombre de passagers et de la largeur importante de la cabine. Dominique Gentili reconnâit qu'aucune solution n'a encore été trou- vée pour cela. Il espère que la réglementation pourra être revue à la baisse à l'avenir . L'aile volante devra aussi utiliser les aéroports existants. Les essais et recherches d'Airbus ont montré que l'A3XX peut utiliser les pistes actuelles sans les endommager. Les compagnies aériennes considèrent par ailleurs que l'embarquement (ou le débar- quement) d'un A3XX de 600 à 800 places ne perturbera pas trop le fonctionnement d'un aéroport à condition qu'il ne s'en produise pas plus de trois ou quatre par jour. Il faudra montrer que le débarquement d'une aile volante est envisageable de la même façon. Pour le stationnement des ailes volantes et leur réparation sous hangar, Aerospatiale Matra pense à la conception d'extrémités de voilure repliables comme cela se fait pour les chasseurs embarqués sur porte-avions. De nouveaux concepts d'atterrisseurs devront être étudiés. En revanche, les points durs techniques habituellement évoqués pour les ailes volantes n'angoissent pas les chercheurs toulousains. Le défi de pressuriser une structure non cylindrique pourrait ainsi passer par l'installation d'haubanage en cabine. La rigidité de la voilure d'une aile volante, gênante par son mauvais amortissement des rafales, pourrait être compensée par la réaction appropriée des commandes électriques comme c'est déjà, dans une certaine mesure, le cas sur les Airbus. C'est ce système qui a été appliqué au B-2 dont la gouverne arrière agit comme volet anti-rafales. D'autres sujets devront être étudiés si le projet d'aile volante européenne est approfondi. Il s'agira de comprendre toutes les implications structurales et aérodynamiques de l'implantation des moteurs à l'extrados. C'est cette intégration inédite sur avion civil que privilégie pour l'instant Aerospatiale Matra dans ses configurations. Cette implantation réduit en effet les émissions du bruit des réacteurs vers le sol mais génère des efforts importants sur les mâts de réacteurs et perturbe l'alimentation des entrées d'air. Dominique Gentili anticipe aussi un autre phénomène à étudier : le raccordement entre la cabine, nécessairement épaisse, et la voilure qui ne doit pas l'être pour être efficace. Les chercheurs d'Aerospatiale Matra paraissent finalement assez confiants dans la faisabilité d'une aile volante, à la condi- tion de résoudre les aspects opérationnels. Il n'y a donc pas de raisons de douter qu'un tel projet pourra être lancé dans les décennies prochaines si les compagnies aériennes le réclament.